Il suffit de faire deux pas de côté.
Le poste frontalier franco-espagnol (Cerbère/Portbou) est désaffecté, abandonné à d'éventuels graffiteurs. Les bâtiments demeurent, inutiles. Aux vitres qui survivent de la cabine du terre plein central voisinent imperturbables, comme si le temps s'était arrêté, deux affiches d'avis de recherche. Photocopies de format A4, papier de mauvaise qualité, jauni, en certains endroits illisibles.
Avis de recherche.
L'une est rédigée en espagnol. Il apparaît qu'à l'origine, six personnes étaient recherchées. Trois d'entre elles semblent avoir été soit retrouvées et arrêtées, soit éliminées. Leurs visages et identités ont disparu, affiche découpée de fenêtres laissant voir le store vénitien de l'arrière-plan. Une élimination rédhibitoire. Il reste le visage d'une femme aux cheveux courts dont seuls les yeux sont visibles et ceux de deux hommes aux regards inquiets, apeurés. Ils sont probablement membres de l'organisation séparatiste basque ETA.
Deux pas de côté.
L'autre est rédigée en français. C'est le visage souriant d'une jeune fille. On recherche Emmanuelle. Ce seul prénom (parce qu'elle est mineure ?) suffit à mes yeux à évoquer tous les autres. Tous les autres disparus qui, sans que l'on n'en sache plus, se sont éclipsés plus ou moins définitivement.
Je pense à Franck Bertrand, sujet disparu du film "La Disparition" de Judith Cahen. Sa famille, longtemps après, attend toujours allant jusqu'à conserver un appartement qui serait, s'il revenait, son seul point de chute pour retrouver les siens. Je revisionne souvent ce film bouleversant.
Les disparus, que sont-ils devenus ? où sont-ils ?
(photographies jeudi 1er avril 2010, Cerbère/Portbou)